mercredi 31 mai 2017
samedi 27 mai 2017
mercredi 17 mai 2017
L’hommage d’un poilu marseillais à sa ville qui lui manque tant, 11 mai 1917
Le 11 mai 1917, 2h
Ma chérie, ma jolie,
Après une matinée passée encore au milieu du fer crépitant, de la fumée de la poudre, de la mitraille, des détonations répétées et nécessaires, un calme s’établit. Il semble que les engins de destruction, de mort aient fait trêve et se soient entendus pour donner relâche un instant pour reprendre peut-être d’une haleine plus vive encore.
Mon âme alors s’ouvre et se confie à la plume pour retracer tout le bonheur, tout le passé qui revient comme une obsession ou une vision. Je revois alors mon Marseille chéri, ma ville natale avec ses rumeurs de forêt vierge, des travaux bruyants réglés au sifflement de la sirène de la Chambre de commerce. Je vois cette confusion de jurons dans toutes les langues, ces cris de bateliers, de portefaix, marchands de coquillages entre les coups de marteaux du bassin de Radoub, le grincement des grues, le heurt sonore des « romaines » rebondissant sur le pavé, cloches de bord, sifflements de machines, bruit refermés de pourpres, de cabestans, eaux de cale qu’on dégorge, vapeur qui s’échappe, tout ce fracas doublé et répercuté par le tremplin de la mer, d’où monte de loin en loin le léger bruissement de la vague, l’haleine rauque de quelque transatlantique qui prend le large.
Et les odeurs évoquées de ces pays lointains des quais ensoleillés et chauds : les bois de santal de Campêche qu’on décharge, les oranges, les pistaches, fèves, arachides, caroubes dont l’âcre senteur se dégage, montant avec des tourbillons de poussières exotiques dans une atmosphère saturée d’eau saumâtre, d’herbes brulées, des graisses fumeuses des marchands de pommes frites.
La vision de tous ces mâts, ces vergues, ces beauprés éclairés la nuit par la lueur fugitive et renouvelée du Phare de Planier projetant sa longue flamme blanche dans la nuit, systématiquement déchirant l’ombre et dessinant sur la tour enluminée de mille ponts lumineux, les silhouettes des îles, des roches, pendant qu’une barque légère et furtive glisse doucement sur l’eau en faisant entendre le léger clapotis de ses rames et le bruissement de l’eau ruisselante.
Ou bien le paysage ensoleillé, les reflets de l’astre du jour ardent dans le ciel bleu d’azur coupés par ces pins odorants en forme de boule, dont l’odeur suave ne se révèle nulle part et dont les exaltations semblent contenir la douceur, le bonheur et la gaieté.
Le soleil couchant projetant sa lueur rouge sur les flots bleus pailletés de mille feux de tous les tons, de toutes les nuances d’argent, d’or et de pourpre dans le silence d’une soirée de printemps au bord de mer.
Cette campagne où de promenades exquises à deux dans la douceur de la solitude s’y trouvent en quantité où le ciel, les arbres, le vent, la nature entière quoi, chante l’amour de concert avec les oiseaux.
Tout cela le reverrai-je ? Aurais-je le bonheur d’y vivre encore des années heureuses ?
Qui sait ? L’avenir le dira.
Mais tout cela pour nous pauvres poilus n’est plus que souvenirs et espérances, le présent n’est plus rien pour nous, la destinée seule est maître de nos actes, de notre vie, de notre sang, il faut revivre le passé, penser à l’avenir, mais par malheur, ne pas songer au présent, non, non, loin de nous cette idée. La chasser n’est plus que nôtre seul problème. Le prémunir du noir cafard voilà la solution.
Et toi chérie, et toi aussi l’image de mon cœur, celle qui se trouve dans tous mes souvenirs, celle qui se trouve dans toutes mes pensées, tu me manques mon amour, plus que tout cela et je revis nos doux instants, nos minutes exquises où serrés l’un près de l’autre nous goutions le bonheur, l’extase de notre amour.
Par moment je suis obligé de dire adieu à tout cela et lorsque j’ai passé l’ouragan de fer et de feu, je sens que mon âme revient à tout ce bonheur dont je voudrais encore goûter. C’est l’espérance qui fait vivre sinon on n’aurait plus aucune joie de vivre, aucun désir de la vie qui serait un poids à supporter.
Oui ma belle, je veux le revivre tout cela avec toi, auprès de toi, sur mon cœur.
Je t’embrasse mon coucou, je t’envoie tous mes baisers, bonsoir m’amour, ma jolie.
Ton Quiqui
mardi 2 mai 2017
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